Fondée par Roland Besenval† (CNRS), la Mission Archéologique Française au Makran (MAFM) fut un programme de recherches pluridisciplinaires conduit, grâce au soutien financier du Ministère des Affaires Étrangères, dans l’une des régions les moins bien connues de l’Asie méridionale, le « Kech-Makran ». Localisé au sud-ouest du Balochistan pakistanais, ce territoire de 250 km de long sur 150 km de large, traditionnellement associé à l’ancienne « Gédrosie » et à la « côte des Ichtyophages » des sources textuelles classiques, est longtemps resté en marge du développement de la recherche archéologique. Seules quelques explorations et opérations ponctuelles y avaient été réalisées, d’abord par Sir. A. Stein en 1927-1928, puis par H. Field et G.F. Dales dans les années 1950 et 1960.
Plusieurs reconnaissances effectuées par R. Besenval entre 1987 et 1989 dans le cadre de l’« Italian Historical, Ecological and Archaeological Mission in Makran » (Dir. Prof. V. Fiorani-Piacentini) ont permis d’entreprendre la première étude archéologique approfondie de la région. Avec pour thème « l’étude des premières oasis et communautés d’ Ichtyophages (Ve millénaire) à la conquête islamique, le programme fut associé, en 1990, à la Mission Archéologique Française en Asie Centrale (MAFAC) avant de devenir la Mission Archéologique Française au Makran (MAFM) en 1992. La mission fut par ailleurs incluse, en 1995, dans les accords signés par la Commission culturelle mixte franco-pakistanaise. La MAFM fut placée sous la direction administrative de V. Marcon (CNRS-UMR 9993) entre 2003 et 2013 et sous la direction scientifique d’A. Didier (CNRS-UMR 7041) à partir de 2012.
Les activités développées par la MAFM en collaboration avec le Département d’Archéologie et des Musées du Pakistan forment à ce jour, l’unique projet d’envergure conduit au Balochistan méridional. Centrée sur la période protohistorique, la fouille des sites de Miri Qalat et de Shahi-Tump a révélé le dynamisme d’un peuplement sédentaire remontant au Ve millénaire av. J.-C. et la richesse de sa culture matérielle témoignant de liens avec les populations anciennes du sud-est du Plateau iranien, de la vallée de l’Indus, de l’Asie centrale et de la péninsule d’Oman. La périodisation qui y fut établie constitue actuellement la référence majeure pour le sud-ouest du Pakistan et, par extension, une référence pour l’archéologie des régions indo-iraniennes.
Phase 1 (1987-1990) : L’exploration archéologique du Kech-Makran.
Cette première phase, a consisté en une prospection archéologique extensive d’une zone d’étude de 250 km de long sur 150 km de large localisée dans les districts administratifs de la « Kech et de Gwadar » [1]. Associée à la collecte systématique de mobilier de surface, elle a permis d’établir une première évaluation chronologique du peuplement de la région et de mettre en évidence une importante occupation datée du IIIe millénaire av. J.-C., en particulier dans la plaine de Dasht [2 ]. Les prospections de surface se sont, par la suite, poursuivies chaque année en parallèle des travaux de fouilles de la MAFM. Actuellement, la carte archéologique du Makran comprend 228 sites datés du Ve millénaire av. J.-C. à la période Islamique récente.
Phase 2 (1990-1996) : La fouille du site de Miri Qalat.
La seconde phase des opérations de terrain fut entreprise, à partir de 1990, sur le site de Miri Qalat (vallée de la Kech), localisé à 10 km au nord de la ville actuelle de Turbat. Les 10 chantiers ouverts lors de 5 campagnes ont permis d’établir la première séquence chrono-culturelle de la région s’étendant du début du Chalcolithique (période I, Ve millénaire av. J.-C.) aux derniers siècles de notre ère (période VIIIc) [3]. Les occupations des périodes II-IV sont datées des IVe-IIIe millénaires ; les occupations suivantes des périodes pré-hellénistique (période V), hellénistico-parthe (période VI), indo-sassanide (période VII) et islamique ancienne (période VIIIa-b). Le site a, en outre, livré les vestiges d’une occupation inédite de la civilisation de l’Indus (période IV, seconde moitié du IIIe millénaire).
Phase 3 (1997-2006) : La fouille du site de Shahi-Tump.
L’objectif de la fouille de ce site, localisé à 3,6 km au sud du site de Miri Qalat, sur l’autre rive de la Kech, était d’approfondir, au moyen de sondages extensifs et d’opérations connexes portant sur l’économie et l’environnement ancien, la connaissance des cultures villageoises chalcolithiques identifiées à Miri Qalat. Outre le dégagement de plusieurs niveaux d’architecture construite en briques crues et en pierres, les principaux résultats de ces travaux sont issus de la fouille de deux cimetières chalcolithiques datés du IVe millénaire, dont le plus récent (période IIIa, ca. 3400-2800 av. J.-C.) a livré de riches vestiges mobiliers témoignant d’un artisanat céramique, métallurgique et de la parure particulièrement sophistiqué et de liens étroits avec les ensembles culturels du sud-est iranien [4]. Alors en cours d’achèvement, cette phase fut interrompue en 2007, d’abord pour des raisons administratives puis pour des raisons de sécurité après 2010.
Les études spécialisées et opérations connexes de terrain.
Parallèlement aux travaux de fouilles, des opérations connexes sur le peuplement agricole de la plaine de Dasht au IIIe millénaire et sur l’exploitation du milieu marin dans la zone côtière ont été réalisées dans le cadre de la MAFM [5]. Des études de vestiges anthracologiques et carpologiques, organiques, céramiques, métallurgiques ou sur les pratiques funéraires ont aussi sensiblement contribué à la richesse des résultats de cette mission [6].
[1] Besenval, R. & Sanlaville, P. (1990) Cartography of Ancient Settlements in Central and Southern Pakistani Makran. New Data. Mesopotamia 25 : 79-146.
[2] Didier, A. (2013)La production céramique du Makran (Pakistan) à l’âge du Bronze ancien. Contribution à l’étude des peuplements des régions indo-iraniennes. Paris : Diffusion de Boccard [Mémoires de la Mission Archéologique Française en Asie centrale, tome XIII].
[3] Besenval, R. (1994) The 1992-1993 Field Season at Miri Qalat : New Contributions to the Chronology of Protohistoric Settlement in Pakistani Makran. In : Parpola, A., Koskikollio, P. (eds) South Asian Archaeology 1993, vol. I : 81-91. Helsinki : Suomalainen Tiedeakatemia. Besenval, R. (1997) The Chronology of Ancient Occupation in Makran : Results of the 1994 Season at Miri Qalat, Pakistan Makran. In : Allchin, R., Allchin, B. (eds) South Asian Archaeology 1995 : 199-216. New Delhi : Oxford and IBH Publishing Co. Besenval, R. (2000) New Data for the Chronology of the Protohistory of Kech-Makran (Pakistan) from Miri Qalat 1996 and Shahi-Tump 1997 Field-Seasons. In : Taddei, M., de Marco, G. (eds) South Asian Archaeology 1997 : 161-88. Rome : Istituto Italiano per l’Africa e l’Oriente [Serie Orientale Roma vol. XC].
[4] Besenval, R. (2005) Chronology of Protohistoric Kech-Makran. In : Jarrige, C., Lefèvre, V. (eds) South Asian Archaeology 2001 : 17-24. Paris : Editions Recherche sur les Civilisations. Mutin, B. (2007) Contribution à l’étude du peuplement des confins indo-iraniens au Chalcolithique : Caractérisation de la production céramique des périodes II et IIIa du Makran pakistanais (IVe millénaire av. J.-C.). Thèse de doctorat non publiée, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Besenval, R. (2011) Between East and West : Kech-Makran (Pakistan) During Protohistory. In : Osada, T. & Witzel, M. (eds) Cultural Relations between the Indus and the Iranian Plateau during the Third Millennium BCE : 41-164. Harvard Oriental Series, Opera Minora vol. 7. Cambridge. Mutin, B. (2012). Interactions céramiques en Asie moyenne autour de 3000 av. J.-C : quel(s) modèle(s) ? In : Lefèvre, V. (ed.) Orientalismes. De l’archéologie au musée. Mélanges en l’honneur de Jean-François Jarrige : 263-278. Brepols (collection Indicopleustoi). Didier, A. & Mutin, B. (2013) Les productions céramiques protohistoriques du Makran pakistanais dans la compréhension des relations indo-iraniennes. In : Bendezu-Sarmiento, J. (ed) L’archéologie française en Asie centrale. Nouvelles recherches et enjeux socio-culturels : 461-486. Paris : De Boccard [Cahiers d’Asie centrale 21-22].
[5] Davtian, G., Desse, J. & Desse-Berset, N. (2005) Occupations du littoral du Makran (Bélouchistan, Pakistan). Données archéologiques, contraintes environnementales, apports de la géomatique. In : Temps et espaces de l’homme en société, analyses et modèles spatiaux en archéologie : 431-440. Antibes : Editions APDCA [XXVe rencontres internationales d’archéologie et d’histoire d’Antibes]. Desse, J. & Desse-Berset, N. (2005) Les ichthyophages du Makran (Bélouchistan, Pakistan). Paléorient 31 (1) : 86-96.
[6] Desse J., Desse-Berset N., Henry A., Tengberg M., Besenval R. (2008) Faune et flore des niveaux profonds de Shahi-Tump (Balochistan, Pakistan). Premiers résultats. Paléorient 34 (1) : 159-171. Thomas R., Tengberg M., Moulhérat C., Marcon V., Besenval R. (2012) Analysis of a Protohistoric net from Shahi Tump, Baluchistan (Pakistan). Journal of Archaeological and Anthropological Sciences 4 : 15-23. Mille, B., Bourgarit, D. & Besenval, R. (2005) Metallurgical Study of the “Leopards Weight” from Shahi Tump (Pakistan). In : Jarrige, C. (ed) South Asian Archaeology 2001 : 237-244. Paris : Editions Recherches sur les Civilisations. Buquet, C. (2005) The Burials Practices at Shahi-Tump (Balochistan, Pakistan) : First Anthropological Analyses. In : Franke-Vogt, U. et Weisshaar, H.-J. (eds) South Asian Archaeology 2003 : 57-62. Bonn : Aachen.
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