III. Statuts personnels et culture politique

L’un des axes forts de la réflexion historique menée dans l’équipe porte, dans une perspective d’anthropologie du politique, sur la question des statuts personnels (en particulier la citoyenneté) et sur celle de la culture et des pratiques politiques dans le monde gréco-romain.

La question des statuts personnels a d’abord fait l’objet d’un séminaire, qui a débouché sur un volume collectif édité en 2018 par C. Moatti et C. Müller et intitulé Statuts personnels et espaces sociaux : questions grecques et romaines, où la question était de savoir comment le cadre spatial permet de rendre visibles des clivages ou agrégats sociaux, parfois éphémères et instables mais toujours signifiants. Mais ce sont surtout les travaux menés par C. Müller qui fédèrent cet axe, dans le cadre d’un projet IUF (2020-2025) consacré à la citoyenneté et aux cités du monde hellénistique. Plusieurs articles ont été rédigés en vue de la publication d’une monographie sur la politeia entre le IVe et le Ier s. av. J.-C., à paraître aux Éditions du Seuil dans la collection « L’Univers historique ». Dans le cadre de cette réflexion, une thèse a été soutenue en 2023, celle d’E. Priol consacrée aux pratiques de sympoliteia (citoyenneté partagée).

Un deuxième axe de recherches a porté sur la construction de l’État et les régimes politiques. Pour le monde grec, un travail collectif a été lancé, toujours dans le cadre de l’IUF de C. Müller, avec une équipe d’une dizaine de contributeurs en partenariat avec T.H. Nielsen (Copenhague) pour l’élaboration d’une base de données sur les cités hellénistiques, dans le prolongement de l’Inventory of Archaic and Classical Poleis de M.H. Hansen et T.H. Nielsen (Oxford, 2004). Ont été conçus une fiche-type ainsi qu’un cahier des charges pour la réalisation de la base de données, construite sur Heurist et hébergée par HumaNum, en cours d’implémentation grâce à Hugo Cador, informaticien spécialiste de la conception de bases de données historiques et archéologiques.

Ces analyses ont été l’occasion d’une réflexion sur les régimes et pratiques politiques, notamment sur le populisme et sur l’oligarchie avec, depuis 2020, la thèse de J. Buffet qui porte sur les élites et le poids politique de l’argent à l’époque hellénistique, ainsi qu’un grand colloque organisé en juin 2023 sur la question de l’oligarchie dans le cadre des travaux menés au sein de l’ENSAGH (European Network for the Study of Ancient Greek History).

Pour le monde romain, le projet mené par F. Hurlet dans le cadre de son IUF (2017-2022) consiste en une étude de l’aristocratie augustéenne dans sa composition et son mode de fonctionnement. Il combine pour cela une étude prosopographique (voir supra) de centaines de sénateurs ― environ 600 noms ― avec une approche anthropologique utilisant la masse de documentation ainsi rassemblée pour chercher à mieux comprendre les actes, les valeurs, les attentes et la culture politique de ces personnages à une époque de crises et de sortie de crises. S’y sont ajoutées des réflexions collectives sur l’une des valeurs centrales de ce groupe social, l’auctoritas, publié dans les actes d’un colloque en 2020, sur l’évolution des magistratures aux époques triumvirale et augustéenne dans un volume paru en 2023 et sur le tirage au sort dans le monde romain (colloque organisé en 2022 par J. Bothorel et F. Hurlet, à paraître). Dans une perspective similaire et en collaboration avec F. Hurlet, les recherches de R. Baudry portent sur l’histoire sociale, politique et culturelle de la fin de la République romaine et du début du Principat, autour de deux axes. Le premier est celui des pratiques et des stratégies politiques, mais également des stratégies familiales. Le deuxième réside dans l’analyse des discours et des représentations de l’aristocratie romaine.

Enfin, l’une des spécificités de l’équipe est de travailler sur le monde grec d’époque romaine, à partir du IIe s. av. J.-C. et à l’époque impériale, dans la lignée des travaux de J.-L. Ferrary, mentor de plusieurs membres de l’équipe et récipiendaire d’un volume de Mélanges en 2019, co-édité entre autres par C. Müller. F. Hurlet et elle ont publié deux articles communs sur les sorts parallèles de Carthage et de Corinthe en 146 (2017) et sur la construction de la province d’Achaïe (mémoire paru dans Chiron en 2020). A. Robu a poursuivi son étude des formes d’interaction entre Grecs et Romains à la basse époque hellénistique. Dans une perspective d’histoire religieuse, M. Lesgourgues, qui a soutenu en 2019 une thèse en cotutelle intitulée Construire la parole des dieux. Les rites oraculaires du monde grec et leurs agents aux époques hellénistique et romaine, poursuit ses analyses autour de la figure du prêtre dans le domaine ionien de la basse époque hellénistique et de l’époque impériale.

Enfin, trois jeunes docteurs de l’équipe ont organisé en 2019 un colloque international de jeunes chercheurs sur le thème Les Grecs face à l’Imperium Romanum. Résilience, participation et adhésion des communautés grecques à la construction d’un empire (IIe s. av. – I er s. de n.è.), paru en 2023 dans le Supplément 26 des DHA.

Les résultats de ce colloque ont été valorisés auprès du public lors des « Rendez-vous de l’histoire de Blois (Lab’ Jeunes Chercheurs) en octobre 2020. Parmi ces jeunes chercheurs, C. Bady, membre de l’EFR depuis 2021, a soutenu une thèse (à paraître dans la BEFAR) portant sur la mobilité des hommes de savoir dans l’Empire et ses effets sur les formes et les espaces de pouvoir ; A. Vlamos a soutenu en 2022 une thèse intitulée Fragments de cités. Les communautés infra-civiques dans les cités insulaires de la mer Égée (IVe s. av. n.è. – IIe s. de n.è.), qui paraîtra à Bordeaux chez Ausonius ; enfin, Olga Boubounelle a soutenu en 2023 une thèse consacrée à La célébration du pouvoir impérial dans la province romaine de Macédoine (Ier siècle av. – IVe siècle apr. J.-C.), dans laquelle elle s’interroge sur la manière dont le rapport de la population provinciale au pouvoir impérial a pu se traduire en termes honorifiques et cultuels. Dernier doctorant concerné par cet axe, M. Nicolleau a soutenu en 2022 une thèse sur Le Pouvoir au miroir du faux. Les impostures dans les mondes hellénistique et romain (IIe s. av. J.-C.-IIIe s. apr. J.-C.) et a participé au colloque Imperium, en s’interrogeant sur « Néron et les “faux Néron” en Achaïe et en Asie ». Il a été recruté en 2023 comme MCF à Lyon III.


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