Histoire des collections

L’histoire des collections a pris ces dernières années une importance croissante dans les études d’histoire de l’art. Elle a récemment connu un essor particulier au sein des sciences de l’Antiquité, comme en témoignent plusieurs publications (voir par exemple le collectif Museum Archetypes and Collecting in the Ancient World, M. Wellington Gahtan – D. Pegazzano (dir.), Leyde, Brill, 2015). L’intérêt pour cette question a notamment été ravivé par la découverte du P. Mil. Vogl. VIII, 309, un papyrus rassemblant des épigrammes de Posidippe de Pella (poète du IIIe s. av. J.-C.). Ce papyrus contient en effet plusieurs cycles thématiques consacrés aux arts figurés: des collections de poèmes, dont l’ordre interne est particulièrement signifiant, y décrivent des collections fictives de pierres gravées et de statues en bronze.

Il importe toutefois de définir un cadre méthodologique pour ces études, dans la mesure où la nature de la documentation antique amène parfois à rassembler, sous le terme de « collection », des réalités très hétérogènes : ensembles d’ex-voto rassemblés au fil du temps au sein d’un sanctuaire, au gré des dédicaces individuelles, « musées imaginaires » comme ceux décrits par Posidippe ou par les Philostrate, ensemble d’œuvres statuaires retrouvées dans un contexte unifié par le biais de l’archéologie, mais aussi collections d’œuvres rassemblées dans les faits et pensées par un collectionneur érudit en fonction d’un programme précis… Un cas particulier est celui des décors peints qui rassemblent plusieurs images au deuxième degré (représentations de tableaux ou de sculptures peintes à fresque) et que l’on peut, parfois, assimiler à des pinacothèques fictives.

La contribution de l’équipe LIMC consiste à la fois à analyser de tels ensembles connus par les sources littéraires ou par la documentation archéologique et à proposer des outils qui permettent de reconstituer virtuellement de telles collections.

La collection d’objets antiques de Rubens est si éblouissante qu’on tend à la regarder comme une fin en soi et à minimiser sa qualité de collection d’artiste. Elle a étudiée tantôt pour retracer l’histoire factuelle des objets antiques les plus précieux que nous conservons aujourd’hui dans le monde (camée Marlborough du Museum of Fine Arts de Boston, portrait d’Alexandre en Ammon et de Messaline du Cabinet des Médailles, etc.), tantôt dans la perspective d’une histoire du goût pour l’Antiquité. Un projet de recherche mené par É. Prioux en collaboration avec M. Cojannot-Le Blanc (professeur d’histoire de l’art moderne, Paris Ouest), entend approfondir la finalité de la collection de camées antiques de Rubens, qu’on associe étroitement au projet d’un recueil de gemmes autour duquel le peintre et le grand antiquaire Peiresc s’associèrent au début des années 1620. Le recueil ne vit jamais le jour, même si nous conservons une documentation préparatoire de Peiresc et un certain nombre de gravures émanant de l’atelier de Rubens. Les analyses du XXe siècle ont pensé que ce projet entendait livrer un panorama complet de la connaissance des camées antiques au XVIIe siècle et cette ambition d’érudition fut peut-être en effet celle de Peiresc. En revanche, les estampes conservées invitent à une analyse sensiblement différente en ce qui concerne Rubens: le peintre s’est clairement concentré sur les gemmes qui représentaient le pouvoir impérial et mettent en scène la transmission parfois délicate de celui-ci au sein d’une dynastie. Nous essaierons de montrer que le très faible nombre de camées effectivement gravés par l’atelier Rubens dans cette phase initiale du projet devient en revanche une source d’inspiration majeure pour un autre chantier du peintre, strictement contemporain: le renouvellement de l’iconographie royale et l’invention formelle du grand cycle apologétique au service de Marie de Médicis pour le palais du Luxembourg.

Ce projet de recherche bénéficie de l’appui du LabEx Les Passés dans le Présent.


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Le travail effectué par l’équipe LIMC depuis plusieurs années peut apporter un éclairage nouveau sur l’histoire des collections patrimoniales, souvent enrichies de legs, de dons, d’achats. Ces informations sur l’identité du collectionneur, les modalités d’acquisition des objets et sur leurs lieux de conservation successifs sont prises en compte dans la base LIMC-France, qui  permet par ailleurs d’associer l’étude de l’objet et de son iconographie aux documents d’archive et aux témoignages anciens (dessins, gravures, photographies, récits de voyage, sources antiques) permettant de retracer le parcours de l’objet depuis sa découverte jusqu’à son lieu de conservation le plus récent.

Les fonctionnalités mises en place pour le corpus numérique LIMC-icon permettent de restituer des ensembles d’œuvres réunies à un moment de leur histoire dans une même collection mais aujourd’hui dispersées: c’est le cas, par exemple, des objets de la collection du marquis de Campana, aujourd’hui dispersés entre plusieurs pays et, en France même, entre le Louvre et une centaine de musées de province.

Les nombreuses données déjà saisies sont enrichies par l’ajout de nouveaux corpus, parmi lesquels, avec le soutien du LabEx Les passés dans le présent, ceux du département des Monnaies, médailles et antiques de la BnF. La réalisation d’une « exposition virtuelle » permettra de retracer l’histoire de la collection à ses différents emplacements, du Cabinet du roi au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale.


Image d’en-tête : Camée “Tête de Minerve”, n° inv. : camée.28. © BnF, Cabinet des Médailles.

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