Campagne 2018

En 2018, deux opérations ont eu lieu dans le cadre de la Mission archéologique française du Peramagron. La première est la mission d’étude des tablettes cunéiformes du 23 mai au 08 juin à la direction générale des Antiquités de Souleymaniyeh, la seconde est la campagne de fouilles qui s’est déroulée sur le site de Kunara du 18 septembre au 25 octobre.

Mission d’étude (A. Tenu, Ph. Clancier & J. Monerie)

La mission d’étude a été surtout consacrée au nettoyage et à l’étude des 70 tablettes et fragments de tablettes cunéiformes découverts en 2017 sur le chantier C. Les formats des tablettes sont plus variés avec maintenant un très petit format, un grand format portant deux colonnes et des tablettes lenticulaires. Six nouveaux toponymes, tous fragmentaires, ont été identifiés ainsi que trois noms de personne, dont un au moins est akkadien. La hiérarchie politique de Kunara apparaît désormais plus clairement avec deux mentions d’un ENSI (un roi ou un gouverneur), d’un SUKKAL (un ministre de premier rang) et probablement d’un vassal.

Campagne de fouilles
La fouille des trois chantiers B, C et E s’est poursuivie en 2018.

Plan topographique de Kunara (2018)

Deux secteurs ont été ouverts sur le chantier B. Dans le premier, au sud-est du bâtiment principal (B. 712), on a découvert la vaste cour sur laquelle ouvraient toutes les pièces déjà fouillées. Elle atteint 27 m de long et on y a trouvé beaucoup de tessons et de restes fauniques (voir ci-dessous). On a par ailleurs repéré pour la première fois une couche de destruction par le feu. L’exploration d’un autre bâtiment, au sud-est, (B. 714) s’est poursuivie vers l’est. Il mesure au moins 15 m de long et était parcouru par une canalisation en pierre.

Chantier B – Le mur 187 et le remplissage 722 avec une couche d’incendie

La fouille du bâtiment monumental (B. 659) a commencé cette année permettant la mise au jour de 3 pièces d’une dizaine de m2 chacune. La superstructure des murs en terre massive a pu être préservée, attestant de techniques variées au sein même du bâtiment. Dans l’une des pièces ont été découvertes des tablettes cunéiformes ainsi qu’un riche assemblage céramique. Les limites nord et ouest du bâtiment qui a été incendié ne sont pas encore connues, mais la façade sud dont le dégagement s’est poursuivi a été reconnue sur 10 m.

C’est surtout la partie ouest du chantier qui a été explorée en 2018. Les fouilles ont en particulier permis de dégager la suite et les abords immédiats du bâtiment B. 517 identifié en 2015. La pièce nord a ainsi été reconnue sur toute sa longueur et au sud deux pièces et une sorte de bassin dallé ont pu être intégralement fouillés. Des centaines de tessons céramiques y ont été trouvés, certains avec des décors animaliers. Plusieurs formes inhabituelles y sont documentées. Un réseau élaboré de canalisations en pierre a été repéré. L’ensemble était scellé par une épaisse couche d’incendie.

Étude archéozoologique (Michaël Seigle)
Environ la moitié des ossements prélevés à Kunara depuis 2012 ont pu être étudiés. Ils appartiennent à 31 espèces différentes, très majoritairement domestiques (bœuf, porc et caprinés principalement, mais aussi du cheval, de l’âne et de la poule) et qui n’étaient probablement pas élevés à Kunara même. Un complément alimentaire était apporté par la chasse, mais cette dernière était certainement aussi une activité de prestige car on a trouvé du lion, de l’ours, de la panthère. Outre les informations sur l’économie de subsistance de Kunara, les restes fauniques révèlent son « horizon» plus ou moins lointain avec des espèces vivant en montagne (ours, panthère) ou dans la steppe (lion et gazelle).

Le matériel lithique (Florine Marchand)
40 pièces en silex et 5 pièces en obsidienne ont été collectées durant la campagne de fouille 2018 sur les chantiers B, C et E. Plusieurs outils notables ont été découverts. Sur le chantier B, nous avons identifié 3 racloirs, une lame denticulée, un fragment de pointe de flèche et 3 grattoirs. Sur le chantier C, un éclat denticulé a été répertorié. Sur le chantier E, un fragment de perçoir a été retrouvé. Le contexte du chantier B apparenté à l’artisanat (l’outillage lithique a été retrouvé, comme en 2017, à proximité d’objets probablement liés à la métallurgie) pourrait être la raison pour laquelle un si grand nombre d’artefacts lithiques y a été découvert en 2017 et 2018.

Le GUR du Subartu (Philippe Clancier)
Une seule des tablettes découvertes en 2018 sur le chantier E pouvait être déchiffrée à partir de sa photographie. Il s’agit d’un document administratif, qui enregistre de très grosses quantités d’un produit, probablement du grain, dans une unité de capacité inédite jusqu’à présent, le GUR du Subartu. Le terme Subartu désigne le nord au sens très large et à partir du XXIIe siècle, le GUR standard est le GUR d’Akkad, correspond à approximativement 300 litres. Kunara se trouve dans une région que les souverains du sud mésopotamien ont cherché à conquérir et l’utilisation de ce GUR du Nord a donc de très importantes implications, politiques et/ou culturelles.

Le matériel céramique (Cécile Verdellet)
La reprise de l’étude typo-chronologique des lots céramiques du chantier A a permis d’affiner la chronologie et d’établir des équivalences entre les niveaux d’occupation de la ville haute et de la ville basse.
Le niveau 2 du chantier A, daté de la fin du IIIe millénaire av. J.-C. (ca. 2200-2100 av. J.-C) est contemporain des niveaux 2 du chantier B, 3 du chantier C et 1 du chantier E. L’assemblage du niveau 3 du chantier A, légèrement plus ancien (ca. 2500-2200 av. J.-C.), n’a, quant à lui, pas d’équivalence en ville basse pour l’instant.
Parallèlement à cette étude, le matériel issu des fouilles en cours a précisé les fonctions de chaque espace dégagé. L’étude de l’amas de céramiques jetées dans le bâtiment 517 du chantier C a révélé la présence d’un grand nombre de formes particulières dont la fonction, toujours discutée, semble être liée à la pratique du culte. Cet assemblage est composé, entres autres d’Internal Handled Bowl complexes, de petits pots globulaires décorés à anse et bec verseur, de becs verseurs modelés en forme de tête de bélier (ou mouflon) ou encore de récipients décorés de motifs en relief de scorpions et de serpents. Les larges jarres à fonds percés retrouvées dans le bâtiment 659 du chantier E témoignent de la pratique, dans cet espace, d’une activité particulière qui pourrait être liée à l’évaluation de quantités pour la redistribution. Enfin, l’assemblage cohérent mais fragmentaire retrouvé dans la vaste cour du bâtiment 712 (chantier B) appuie l’hypothèse d’un bâtiment dédié à la réception.


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Page rédigée par A. Tenu et C. Verdellet (céramique), novembre 2018, revue en septembre 2019

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