Malia, recherches dans le secteur Pi


Les fouilles du secteur Pi ont débuté en 2005, dans une zone déjà partiellement connue par des explorations plus anciennes : le terrain se trouve au Nord de la « rue de la mer », entre la Crypte hypostyle vers l’est et la maison Delta alpha à l’ouest (fouillées respectivement par H. van Effenterre et P. Demargne). L’objectif principal de ce programme était le dégagement d’un quartier urbain néopalatial pour compléter les connaissances sur la ville des Minoen Moyen III-Minoen Récent. Les « quartiers » mis au jour au long du xxe s. dans différents secteurs de la ville n’avaient en effet fourni que de rares données stratigraphiques et un matériel drastiquement sélectionné. Les axes de la recherche sont les suivants :

  • Préciser la typo-chronologie de la céramique de la période néopalatiale, considéré dans les publications existantes comme un ensemble MMIII/MRI flou et sans césure interne.
  • Définir les modes de vie et les techniques de production (alimentaire, artisanale etc.) dans la ville néopalatiale, les informations étant relativement abondantes pour la phase protopalatiale (Quartier Mu, Abords Nord-Est du Palais). La collecte systématique des restes botaniques réalisée pour la première fois à Malia devait notamment éclairer les pratiques agricoles et alimentaires.
  • Contribuer à une connaissance plus fine de l’urbanisme maliote par le dégagement d’un îlot urbain faisant la jonction avec le Quartier Delta (fouillé au début des années 1930 par P. Demargne) et la maison Kappa gamma.

Cinq campagnes de fouilles ont été menées entre 2005 et 2014, année de clôture des travaux de terrain. Chacune d’entre elles a été suivie de campagnes d’étude des vestiges.

Résultats

La fouille s’est concentrée sur les niveaux néopalatiaux. Le dernier horizon d’occupation date de la phase « mature » du MR IA. Celle-ci fut précédée de réaménagements majeurs du secteur au début du MR IA. Des dépôts primaires n’ont été découverts que dans la partie centrale du bâtiment (espaces 12, 14 et 16) où ils témoignent d’activités domestiques diverses (mouture, tissage, débitage de l’obsidienne, préparation alimentaire etc.). L’absence d’incendie et de foyer/four limite toutefois le volume de carporestes retrouvés. Les autres pièces étaient vides (espaces 4-5, 6, 7, 8), indiquant que le bâtiment fut progressivement abandonné et partiellement nettoyé. L’aile nord-est était formée d’espaces à l’architecture soignée (dallage aux interstices de galets, portique et puits de lumière) largement ouverts sur la « rue de la mer ».

Les vestiges d’une grande destruction intervenue au cours du MR IA sont bien attestés dans deux pièces en sous-sol (10 et 11, qui étaient originellement des caves probablement destinées au stockage, remplies de débris, en particulier céramiques ; ces derniers furent également amassés dans l’espace 2/3 où ils furent utilisés pour rehausser le dernier sol.

L’un des principaux acquis des fouilles est la mise en évidence de deux phases d’occupation du MM III dans le secteur. Sous le dernier sol MR IA de l’espace 4, on a en effet découvert une fosse profonde d’environ 1 m, comblée surtout par de la vaisselle cassée et d’abondants restes fauniques dont l’étude indique un enfouissement rapide. La poterie peut être rattachée au MM IIIB, témoignant d’un épisode de destruction pour cette phase. Cette fosse avait été creusée à travers un sol plus ancien, dans une pièce contenant un dépôt de destruction in situ (un pithos et une douzaine de vases plus petits) appartenant à une phase antérieure, le MM IIIA.

à ce même horizon de destruction MM IIIA appartient vraisemblablement un large dépôt en position secondaire fouillé dans l’espace 24 situé au nord du bâtiment, dans un complexe de pièces protopalatiales. Il avait été comblé par les débris d’une destruction présentant des traces d’incendie (abondante vaisselle commune de stockage et de cuisine brûlée, outils lithiques, débris architecturaux). Les vestiges invitent donc à définir une succession de d’au moins deux phases distinctes pour le MM III (A et B), conclues chacune par une destruction que l’on peut hypothétiquement attribuer à des séismes successifs.

Le bâtiment néopalatial n’occupe qu’une partie du secteur Pi, les bordures nord et ouest de la zone semblant abandonnées après le MM II et/ou le MM IIIA (espace 24). Au Nord, seul l’espace 17 a été fouillé jusqu’au rocher naturel, en raison de la qualité de son matériel. Les restes d’une importante destruction par incendie y furent en effet amassés au MM IIB. Les formes céramiques invitent à replacer ce dépôt dans le même horizon de destruction que le Quartier Mu, épisode mis en évidence dans d’autres secteurs de la ville. Une partie des artefacts sont liés à des activités artisanales (travail de la pierre pour la fabrication de sceaux et industrie osseuse). À l’ouest de l’espace 25, le petit espace 32 contenait un dépôt primaire de nature domestique, formé de poteries et d’outils lithiques écrasés sur place, certainement lors du même épisode de destruction.

Entre les deux, le grand espace 25 fut vraisemblablement utilisé comme une cour, sans structure construite pérenne à la période néopalatiale. La nature de son aménagement au MM II demeure obscure en raison de murs très arasés. On y a cependant découvert, juste sous le niveau du MRI, un épandage de mobilier et une fosse comblée par un matériel MM IIA, une phase jusque maintenant mal connue à Malia.

L’ensemble du secteur Pi semble avoir été densément occupé pendant le MM II. La zone 7, située entre le bâtiment néopalatial et la maison Delta alpha, correspond à un édifice protopalatial qui servit partiellement de dépotoir au MM III. Cette zone avait déjà fait l’objet de décapages par P. Demargne, qui y avait interrompu les recherches en raison de vestiges trop perturbés. Certaines pièces n’avaient cependant pas été complètement vidées, ainsi l’espace 28 dans lequel ont été mis au jour un pithos et quelques petits vases MM IIB tombés contre un pilier et un bloc d’ammouda creusé de deux cavités (« auge double »).

Enfin, deux sondages réalisés sous les sols du bâtiment néopalatial ont permis d’atteindre des niveaux du Minoen Ancien II en place. La présence de sols et d’un foyer, associés notamment à des pièces en obsidienne abondantes signalent la présence d’un habitat prépalatial à cet endroit.


Les recherches dans le secteur Pi ont reçu le soutien financier de l’EFA, de l’Institute of Aegean Prehistory (INSTAP), de l’EA 4284 (TrAme, Université de Picardie) et de l’UMR 7041 (ArScAn).

Voir aussi en ligne: Malia Secteur Pi, Ecole française d’Athènes.

Collaborateurs

Principaux collaborateurs

Céramologie : Maria Emanuela ALBERTI (Adjunct Faculty, Program of Classics and Archaeology, The American University of Rome) ; Anne-Marie AVRAMUT (Universität Wien) ; Carl KNAPPETT (University of Toronto) ; Charlotte LANGOHR (F.R.S-FNRS, Université Catholique de Louvain) ; Yannis PAPADATOS (Université d’Athènes).

Outils lithiques : Tristan CARTER (McMaster University, Canada) ; Hara PROCOPIOU (Université de Paris I-Panthéon Sorbonne, UMR 7041-ArScAn) ; Marie-Philippine MONTAGNE (Aix-Marseille Université, France).

Sceaux : Maria ANASTASIADOU (University of Heidelberg) ; Karine RIVIERE (Université de Paris-Ouest/EFA) ;

Vases de pierre : Elise MORERO (Khalili Research Center, Oxford – ArScAn) ; Virginie THOMAS.

Terre à bâtir, enduits : Marta LORENZON (University of Edinburgh) ; Polly WESTLAKE (Chercheur indépendant, Londres).

Objets en alliage cuivreux : Jonathan DEVOGELAERE (Université de Paris-Ouest – ArScAn).

Archéobotanique : Maria NTINOU (Wiener Laboratory, ASCSA, Athens) ; Anaya SARPAKI (Chercheur indépendant, Chania, Crete).

Archéozoologie : Armelle GARDEISEN (CNRS, Montpellier) ; Katerina PAPAYIANNIS (Museum d’Histoire naturelle) ; Tatiana THEODOROPOULOU (UMR 7041-ArScAn).

Architecture et stratigraphie architecturale : Thibaut GOMREE ; Gaëlle HILBERT, architect D.P.LG (Strasbourg) ; Maia POMADERE (Université Paris 1, UMR 7041 – ArScAn).

Autres collaborateurs

Photographies : Christophe GASTON (DRAC Île-de-France).

Dessins : Birgit KONNEMANN

Restauration/conservation : Aristophanis KONSTANTATOS (Ecole Française d’Athènes) ; Pepi SARIDAKI

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